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Michel Serres: Le paysan nouveau est admirable, mais on massacre les paysages

Nous publions, avec l'amabilité du JDD, cet article paru le 22.02.2009

Professeur à Stanford, membre de l'Académie française, Michel Serres explique les incroyables transformations du monde paysan.
Selon vous, l'événement le plus important du XXe siècle est la fin de l'agriculture?
Un événement se mesure à la quantité de temps qu'il clôt. Or l'humanité devient paysanne au néolithique, il y a dix mille ans. En France, nous étions encore 70% de paysans au début du XXe siècle, nous sommes 2% aujourd'hui. Vous voyez l'importance! En un siècle, sans que l'on s'en rende compte, on a quitté le néolithique. On a commencé à tuer les paysans à la guerre de 14, puis à Stalingrad? A part les guerres, il y a eu aussi la révolution verte, les techniques biologiques, les engrais, la sélection des nouvelles espèces. Aujourd'hui, nous sommes tous des citadins, les campagnes sont vides.(Pour lire la suite, cliquer ci-dessous Plus d'infos)
Pas entièrement puisqu'il existe encore 2% de paysans?
Le paysan nouveau est quelqu'un d'admirable. C'est probablement le métier qui a fait le plus de progrès en quelques années. Il doit assimiler la quasi-totalité du savoir contemporain. Il est à la fois climatologue, chimiste, biologiste, commerçant, même commerçant international. Ce vieux paysan que le citadin méprisait autrefois parce qu'il était un cul-terreux est devenu un savant. Il doit tout savoir. Et, en plus, il est écologiste, il fait du bio pour réparer les dégâts que l'on a causés au monde. Il est à l'avant-garde!

Il est donc écologiste?
Bien sûr. Ce basculement majeur entre la terre et la ville, entre le rural et l'urbain, a donné naissance à ce qu'on appelle l'écologie. Il y avait un rapport de paysan au monde, il y a désormais un rapport de citadin. En fait, ce qui a changé, c'est la prise de conscience que nous pouvons faire mal au monde, et nous faire très mal aussi.

A-t-on vraiment pris conscience de la fragilité du monde?
Notre agriculture actuelle est fondée sur quelque chose de très fragile: une énergie pas chère. Aujourd'hui, nos 2% de paysans pourraient labourer la totalité de la France en une heure. Mais supposez qu'il n'y ait plus de pétrole, il faut de nouveau 4 millions de personnes en plus pour nous nourrir. L'autre fragilité, c'est que, dans notre monde actuel, la disparité entre les pays riches et les pays pauvres est terrible. Pendant que nous devenons obèses, le tiers-monde crève de faim. C'est le spectacle le plus tragique que la planète puisse offrir.

Alors qu'on pourrait nourrir toute la planète?
C'est le paradoxe: ici on est en paix depuis soixante-cinq ans, ce qui n'était jamais arrivé depuis la guerre de Troie; on n'a jamais été aussi bien nourri, par aussi peu de gens; on a éradiqué la douleur; on a une espérance de vie longue, et une sexualité libre? Mais dès qu'on profite de quelque chose, on ne s'en rend plus compte. On trouve que c'est normal. En Occident, on n'a jamais été aussi heureux et on ne le sait pas.

La faute à qui?
Tout se passe comme si les politiques ignoraient la transformation profonde de la société. Ils font comme si on était encore en 1803. Avec les mêmes partages, les mêmes luttes? Et puisqu'on parle de la fin de notre monde paysan, il faut évoquer une autre conséquence tragique: le massacre de nos paysages. La France est probablement représentée aujourd'hui par la classe dirigeante la moins cultivée de son histoire. Regardez les entrées de villes. Que nos politiques aient réussi à les enlaidir à ce point! Toute la paysannerie française avait façonné des paysages superbes. On est en train de les détruire. Pour toutes ces raisons, il faut aider les paysans.
Michel Serres: Le paysan nouveau est admirable, mais on massacre les paysages Michel Serres: Le paysan nouveau est admirable, mais on massacre les paysages Reviewed by Coubert on 5.2.10 Rating: 5

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Qu'on ne vienne pas me dire que le paysan est écologiste. Pour des besoins financiers et pour répondre à la demande des citadins, il s'est mis à l'écologie. Pour des besoins financiers, il a été obligé d'employer pesticides, engrais chimiques ... Pour des besoins financiers, il a couvert la terre, sa terre, l'a pollué jusqu'aux nappes phréatiques.
N'allez pas dire qu'il est obligé de laisser au bord de ses champs les bidons vides de ses produits de traitement. Responsable mais pas coupable. PB

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