Vous avez été très nombreux à ne pas répondre à notre invitation. Notre poisson n'a pas eu l'heur de vous plaire ou bien, le printemps qui frappait à votre porte vous a distrait de trop belle façon. Voir "la" réponse.
Comme tous les poissons, ce texte a mêlé mensonges éhontés et vérités indiscutables.
Faux : le trou dans le trou n'a jamais existé, ni les noyaux de pêche en cet endroit, pas plus que la réaction de nos édiles que nous aurons fait sourire un peu.
Vrai : des quantités phénoménales de pêches ont été déversées dans des trous dans les années soixante. Quelques précisions...
Ce qui a été évoqué dans cet article, c'est le "retrait" qui est un souvenir maléfique pour tous les arboriculteurs.
La vallée du Rhône et la Drôme en particulier sont alors un immense verger de pêchers. Après la vallée de l'Eyrieux, qui fut le berceau de ce grand développement dans les années cinquante, il en est fini de la polyculture, nos agriculteurs se spécialisent et acquièrent pour la plupart un revenu décent. Certains, deviennent des chefs d'entreprise à la tête de grandes exploitations de monoculture. C'est vrai sur nos territoires, mais aussi en Italie, en Espagne puis en Grèce.
Nous avons vécu ou appris, que l'année 1968 est une date charnière qui voit la remise en cause d'un modèle de société consumériste par une partie de la population, notamment des plus jeunes.
Pour les arboriculteurs, 68 est une année de surproduction alors même que les "évènements" entravent les échanges commerciaux et logistiques. Les grands circuits d'exportation, particulièrement vers l'Allemagne, se réduisent alors comme peau de chagrin. Une mine prête à exploser sur le chemin de la conquête marchande des producteurs. Les cours de la pêche baissent, puis s'effondrent.
La Communauté européenne met alors en place un plan : diminuer l'offre pour stopper la chute les cours. Pour cela, il faut obliger les producteurs à mettre moins de produit sur le marché, et donc détruire une partie des récoltes. Une indemnité censée couvrir leur prix de revient leur sera attribuée. Ce fut fait.
Les fruits venant d'être cueillis et prêts à être commercialisés sont pesés puis acheminés par les producteurs eux-mêmes ou par des transporteurs vers des lieux de destruction.
Des bulldozers creusent des tranchées, des trous dans les carrières, les fruits y sont jetés parfois avec leur emballage, dans toutes les zones de production d'Europe. Du gaz-oïl est pulvérisé pour empêcher tout détournement avant qu'une couche de terre vienne recouvrir des tonnes de fruits.
À chaque point de "retrait", un agent de la Direction de la consommation et des prix, veille à la régularité des dépôts. À Saint-Marcel, un point de "retrait" est en place à la carrière Oboussier de Sandon.
En 1976, année de sécheresse et de grosse récolte. Un train de pêches italiennes arrive en gare de Culoz (Ain). Un commando d'arboriculteurs en colère attaque le train et détruit sa cargaison.
Cette politique est restée active une trentaine d'années. Elle reste un traumatisme considérable dans la mémoire de nos anciens, comme pour tous ceux à qui on détruit le fruit d'un travail bien fait.
Puis, il y eut les années 90 et le virus de la sharka. Les plantations de pêchers durent être arrachées et notre campagne devint plate, non fleurie, comme un immense champ de blé, mais ceci est une autre histoire. Arboriculteur, une profession bien cabossée durant toutes ces années.
Drôle de poisson pas drôle allez vous dire, et c'est vrai.
Aujourd'hui, est-ce que les épisodes traumatisants vécus par les arboriculteurs sont enfouis, oubliés ? Nous pourrions le croire, car peu ou pas de littérature n'est publiée, la parole paraît absente et pourtant...
Est-ce que ce poisson peu convenu peut contribuer à assurer aux exploitants d'alors que nous n'avons pas oublié ? Pas d'enfouissement dans nos mémoires, mais des souvenirs qui émergent, inexorablement et qui nourrissent notre histoire commune.
Vos remarques ou témoignages (écrits ou photos) de cet épisode sont les bienvenus. Vous pouvez les transmettre à saintmarcelblog@gmail.com. Nous les publierons.
Merci à Liliane et Alain Perdriolle pour leurs précisions et leurs photos
AP
Un poisson qui rit jaune, le "retrait", une face sombre de notre histoire
Reviewed by Alain PANAYE
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