Le Blog des habitants de Saint-Marcel-lès-Valence
et des territoires environnants

IL Y A 70 ANS, SAINT-MARCEL VIVAIT UNE QUINZAINE TRAGIQUE...(3)

Mercredi 23 Août (suite). - Dans l'abri du quartier de l'église, les femmes retiennent jusqu'à leur souffle.Elles imposent silence aux hommes bavards: "Taisez-vous donc... s’ils entendent parler, ils jetteront des grenades dans la cave!" On se tairait à moins, n'est-ce pas? Est-ce crainte de recevoir des mauvais coups dans un quartier ouvert à tous les vents, ou bien les représailles exercées sur la grand'route ont-elles suffi à calmer leur fureur bestiale? Quoi qu’il en soit, les Vandales respectent la rue et la place de l'église.
Quand ils se retirent, deux habitations flambaient dans le village, celles de Mme Magnan et de M. Roux, ainsi que la ferme de M. Chancrin et la maison Apostoly (chemin de l'Etrau). "St-Marcel brûle" disait-on dans les communes voisines, et l'écho répétait à Romans: "Tout St-Marcel est brûlé".
Dés le départ de nos sinistres visiteurs, la population présente s'emploie avec un dévouement sans pareil à déménager les meubles de M. Delaine et à préserver de l'incendie sa demeure menacée. Nous apprenons alors que sept de nos F.T.¨. du matin ont été fusillés par les Barbares sur la place de la Mairie et que leurrs corps doivent être inhumés sur place: ainsi en ont décidé leurs bourreaux.
Nous nous trompions donc ce matin quand nous pensions que tous ces jeunes avaient pu regagner Romans. Sept d'entre eux s'étaient, à notre insu, arrêtés à l’entrée du village, vraisemblablement dans la maison Apostoly: le bombardement les y avait sans doute contraints,; et les malheureux s'y croyaient en sécurité, hors de l’atteinte de l'ennemi. C'est là qu'ils furent surpris et arrêtés... On les vit agenouillés prés de la  route devant les fusils allemands.  Cruelles minutes qu'ils passèrent à se préparer à une mort atroce qu'ils savaient certaine, revoyant une dernière fois dans leur esprit bouleversé le visage des êtres chers laissés au pays, et leur maison et leur village... Ils furent conduits au milieu du massacre tout proche par le peloton d'exécution... Et c'est là, au pied d'un mur, que deux heures après nous découvrîmes l'affreux monticule sanglant, sauvagement déchiré par la mitraille?

Leurs visages furent lavés puis photographiés, tandis qu'à côté des hommes de bonne volonté creusaient une large fosse. Après qu'in eût pris note du signalement qui permettrait à leurs familles de les reconnaître, aucun papier d'identité n'ayant été trouvé sur eux, ils furent, vers 17 heures, inhumés côte à côte entre deux linceuls de paille, tandis que le prêtre, entouré d’une assistance émue de pitié et d'horreur, chantait les ,prières de la liturgie funèbre...
Ce même soir, le bruit courut que les Mongols approchent et viendront jusqu'au village. C'est l'exode presque complet des habitants du bourg. Les bobards et la panique ont fait plus de mal à St-Marcel que les obus allemands, car il est per
mis de penser que la présence des hommes chez eux eût évité bien des dégâts. C'est dans les heures dures et non dans les palabres du forum et les discussions de bistro que se révèlent les âmes fortes. Qu'il nous soit permis ici de rendre un hommage bien mérité aux trop rares vaillants qui n'ont pas voulu abandonner un seul jour le village, prêts à tout encaisser et à rendre les services que la situation pouvait demander: MM. Delaye, Delfudes, Dutto et Valette, sans oublier M. Rousset resté près de son épouse malade.
Où donc s’étaient réfugiés nos compatriotes? La plupart avaient trouvé une fraternelle hospitalité dans des fermes assez éloignées: là la table familiale avait peine à rassembler autour d'elle les 20 ou 30 convives. Ce fut, de la part de notre population paysanne, un magnifique mouvement de générosité qui console de bien des choses et dont le souvenir doit rester comme un lien d'amitié et d'unité entre gens d'une même commune.Pourquoi faut-il que le malheur des autres attire plus notre sympathie que leur joie ou leur succès?
Une centaine de villageois élurent domicile dans les profondeurs obscures et humides des grottes, à Surel ou aux champignonnières de M. Barnaud. On y couchait sur une botte de paille ou sur un sommier.  On cuisinait sur un réchaud à alcool ou sur un feu de camp, dans le boqueteau voisin. La jour, quand la situation était calme, on descendait au village chercher un peu de linge et de ravitaillement. Cette cité troglodyte avait l'avantage d'une parfaite sécurité sous l'énorme épaisseur de ses voûtes, et cependant nous nous sommes laissé dire que le moral y était détestable; et que les semences de panique y poussaient comme des...champignons et croissaient aux dimensions des parachutes.

A suivre...
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