"Sunderland", un beau retour au théâtre

 

Après son succès dans "Avant et Après", la Cie des Javeysans a marqué son grand retour au théâtre, après une interruption difficile. 

 

Pour ces deux représentations, le théâtre de Surel contenait à grand peine les spectateurs qui avaient pu se procurer une place. C'est dire que l'attente du public était forte, à la mesure de la frustration subie ces deux dernières années.

Mais encore fallait-il que le spectacle annoncé soit à la hauteur de cette attente, d'autant que le choix de cette pièce ne conduisait pas à la facilité, ni pour Claire Mercier la metteur en scène, ni pour les comédiens. Une pression douce et amicale pesait alors sur la compagnie.

La bio de l'auteur Clément KOCH nous apprend qu'il fut acteur avant d'être l'auteur de Sunderland et d'autres pièces pour lesquelles il recueillit plusieurs prix prestigieux. 

Sunderland décrit avec une grande humanité, le monde des quartiers populaires bien étrillés dix ans plus tôt par la dame de fer. On ne peut pas ne pas penser à l'univers que Ken Loach n'a pas cessé de décrire au cinéma.

Ici le quotidien vécu par nos personnages est peu enviable. Dans un appartement chauffé par intermittence, dans une ville où les habitants ne paraissent connaître que le chômage, la pluie et le football, vivent Sally et sa jeune sœur Jill. Jill a vécu enfant, la scène traumatique de la tentative de suicide de sa mère par pendaison. Ruby l'amie et colocataire, vit avec les deux sœurs, après avoir été mise à la porte par ses parents.

La situation de ces trois là est précaire et critique, menacée par l'assistante sociale qui pourrait prononcer le placement de Jill dans un établissement faute de revenus suffisants. Clément Koch nous décrit la quête d'une solution improbable qui permettrait à Jill de ne pas quitter sa sœur.

 

Sally essaie coûte que coûte et malgré le chômage, de ne pas faire sombrer le navire. Elle assume cette responsabilité avec détermination. 

Son amie, Ruby, est solidaire en tout, mais sa défense, sa survie pourrait-on dire, c'est la farce, la blague et les gauloiseries percutantes. Fine mouche, elle a la capacité à percevoir les arrières-pensées de ses interlocuteurs. Il ne fait alors pas bon être sur son chemin. C'est une force et un atout pour le trio.

 

Encore une pièce pour pleurer direz-vous ? Non il n'en est rien, loin de là... Clément Koch, de sa belle écriture nous fait virevolter entre larmes et scènes cocasses, entre les pires clichés conformistes et les grivoiseries polissonnes. Toujours, il nous ramène sur une terre d'humanité. Les femmes sont fortes et Sally n'hésite guère pour envisager une GPA, solution ultime, pour permettre de garder sa sœur auprès d'elle.

 

Les autres personnages sont aussi porteurs de sens. Nous y voyons Gaven amoureux de Sally mais sans espoir de retour, un gaffeur maladroit, à l'esprit en difficulté dès qu'il s'agit de sortir de son quotidien.

Nous y voyons aussi le couple d'homos en mal d'enfant. "Ils" pourraient être LA solution. Ils sont touchants et nous mettent en situation d'imaginer leur vie de discriminations.

La mère de Sally est un personnage qui nous met sur la voie de la compréhension. Clément Koch nous dit combien la situation de Sally et de sa petite sœur fut déterminée par l'absence, son égoïsme et l'indifférence de la mère pour ses deux filles.

 

Un happy end pouvait être attendu, mais pas forcément celui-là. Il est bref et soudain, prenant le public à contre-pied dans un grand moment de rire et d'émotion mêlés. Un point final, comme un grand coup de plume que l'auteur aurait planté avec malice sur sa dernière page, en pensant nous avoir bien eu.

Et oui, c'est un cocktail d'émotions et de rire qui nous a bousculé tout au long de cette belle pièce. Une pièce attachante car sans doute, nous nous sentons proches de ces personnages de chair, que nous reconnaissons car ils sont une partie de nous-mêmes que ce soit sous le masque du tragique et de l'humour. Mais n'est-ce pas cela le théâtre ?

 

Claire Mercier nous a proposé une mise en scène toute en fluidité et douceur qui a permis au spectateur d'être en harmonie avec le texte de Clément Koch. 

La distribution peut parfois être un exercice périlleux pour une troupe amateure. Il n'en a rien été, et tous les comédiens(nes) nous ont paru bien habillé(e)s et habité(e)s par leur personnage. 

 

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Direction d'acteurs et mise en scène : Claire Mercier

Régie : Thierry Putin et Jean-Michel Bobichon

Costumes : Liliane Perdriolle et Marinette Margier

Décors : Claire Mercier, Alain Perdriolle, Guy Chauvet, Michel Cohen, les comédiens

Avec : Myriam Habibi (Sally), Alison Mounier (Ruby), Victoire Bottet (Jill), Damien Mercier (Gaven), Joël Mercier (Paul), Patrick Zani (Gordon), Marie-Paule Kervennic (Miss Gallagher) et Anne Alexandra Attias (Marie Mawln)

Alain Perdriolle a reprogrammé cette pièce pour cet automne 2023

AP