Le Blog des habitants de Saint-Marcel-lès-Valence
et des territoires environnants

Nous avons rencontré Michel Bard...

 

 

Nous avons rencontré Michel Bard. Il nous accueille dans sa chambre où il est confortablement installé. Des piles bien rangées pour une collection considérable de journaux, une de ses "nourritures" favorite.

Il nous invite dans la grande salle de la résidence, où nous écoutons et notons souvenirs et confidences...

 

Michel BARD (89 ans), résidant actuellement à l’EHPAD du Clos ROUSSET,

se souvient...

Né de parents agriculteurs à Saint-Marcel, il a vu la commune se développer. La vie locale était animée autour de l’école, alors à la mairie, et de la gare...

“La municipalité achète la gare pour la démolir”, cela lui vaut ce cri du cœur, “une connerie ! gaspiller des sous pour rien !!!”.

Il résidera dans la ferme familiale jusqu'à son accueil à l’EHPAD en avril 2022.

L’école :

Michel suit le cursus de l’école primaire à Fauconnières, jusqu’à l’âge de 12 ans. Il faisait la route à pied et prenait son repas de midi chez une tante qui l’hébergeait également l’hiver. Il poursuivra ses études à Bourg-de-Péage jusqu’à 14 ans chez les frères Maristes ou il connaîtra le Père CARBONNEL, futur curé de Saint-Marcel.

La vie à la ferme :

Le cursus scolaire terminé, Michel travaille à la ferme jusqu’à l’âge de 28 ans. La ferme pratiquait la polyculture (blé, betteraves, fourrage, légumes, élevage de chèvres et volaille, vigne). La nourriture provenait principalement de l’activité fermière. Les chèvres (certains fermiers avaient des vaches) donnaient le lait qui servait également à fabriquer des tommes.

Le vin, boisson familiale, était fait à la maison. La “genne” (le moût) était distillée par monsieur VIVET qui installait son alambic place de l’église. Les résidus de distillation étaient répandus dans les champs. Le travail de la vigne s’est arrêté faute de pouvoir assurer la maintenance du matériel, les artisans concernés (tonnelier, forgeron) ayant cessé leur activité.

Pour les travaux des champs, la traction était animale, des bœufs puis des chevaux. Des productions (céréales, betteraves sucrières) étaient conduites à la gare pour être expédiées par le train. Il en était de même de la "terre rouge" prélevée à Châteauneuf qui était ensuite expédiée vers les aciéries pour réaliser des moules de fonderie.

Pour battre les céréales, il y avait deux entrepreneurs de battage à Saint-Marcel. Monsieur ROBERT et monsieur MIRIBEL. Monsieur MIRIBEL avait un matériel plus ancien. Après-guerre, son tracteur était équipé d'un moteur à gazogène.

« Le père ROBERT » rangeait sa batteuse et sa presse au cœur du village RN92 (impasse face à la boulangerie). Lorsqu'il sortait son matériel sur la RN92 avec son tracteur Vierzon, c'était un grand spectacle que beaucoup de curieux venaient voir.

Les entrepreneurs passaient de ferme en ferme et installaient leur matériel sur les aires de battage près des gerbiers. Pendant une longue journée, le blé coulait dans les sacs qui étaient montés à dos d'homme dans les greniers. Avec les bottes de paille, on construisait les "bottières" sur place ou dans un hangar proche. Tous les voisins apportaient leur aide.

Marcel LAMBERT était le maréchal-ferrant et charbonnier du village, indispensable à la vie des paysans pour réparer les outils, ferrer les chevaux et les bœufs.

Tous les déplacements de Michel se faisaient alors à pied ou avec la bicyclette familiale, puis avec la Motobécane.

La vie professionnelle :

Michel est ensuite embauché à la coopérative des semences (bâtiment aujourd'hui occupé par les services techniques) où les céréales sont tamisées, triées, vannées à l’aide d’un trieur qui pouvait également être mis à disposition dans les fermes. Vers 35/40 ans, il est employé par les Ets CESSIEUX, commerce de bois, où il a assuré la découpe de panneaux pour la clientèle. Il y acheva sa vie professionnelle.

La vie du village :

Une fête des Bouviers avait lieu au mois de mars à Fauconnières, elle commençait par la messe en présence de l'Harmonie la Renaissance. "Un triomphe" décoré (présentoir porté) était béni par le curé. Il comportait des épis de blé et de maïs, des grappes de raisin, des fleurs. À la sortie de la messe, une aubade musicale accompagnait la dégustation des bugnes et du vin blanc.

Les fêtes religieuses rythmaient la vie du village : le pèlerinage de la bénédiction du sel destiné au bétail, à la chapelle de Surel ; les Rogations, une procession aux 4 points cardinaux du village ; la cérémonie à la Vierge du vœu, le 1ᵉʳ dimanche d’octobre, au monument érigé en remerciement pour la protection du village pendant la guerre.

Les enterrements étaient célébrés à l’église, puis le cortège suivait le corbillard tiré par le cheval du père LADREY jusqu’au cimetière.

En 1958, l'église est déclarée dangereuse. Trop haute et trop longue, elle menace de s'effondrer. Il est nécessaire de la rabaisser et de la raccourcir de 6m. Les travaux de démolition sont octroyés par adjudication à la bougie à une entreprise incompétente. C'est un massacre !

 Les pères FELIX puis CHAIX mobilisent toutes les bonnes volontés pour évacuer les gravats. Pendant les travaux, l'exercice du culte a pu avoir lieu dans une remise achetée à la veuve CHARIGNON (au bout du passage des Petits Bars, côté RN92), qui deviendra plus tard un atelier de menuiserie. Une vaste peinture représentant la cène, couvre alors le mur derrière l'autel. Elle est signée Émile Apostoly.

Les travaux (lambris de plafond et construction du porche d'entrée) seront achevés en 1979 avec le Père Michel PEROLLIER .

Michel BARD dit avoir peu de souvenirs de la guerre : le drame des fusillés suite au sabotage de voies de chemin de fer, l’exécution de l’instituteur André BLANC au fort Montluc. Pendant la période des restrictions, les citadins venaient s’approvisionner dans les fermes.

Dans les années 1990, un accident au passage à niveau près de l’Église, vient endeuiller le village. Michel se souvient d'avoir entendu au loin le choc du train sur le véhicule. Cet accident a coûté la vie à Serge VERT, suivi le lendemain par le décès de Charles MARION, très affecté par la mort de son ancien collègue.

Nous prenons congé de Michel, impressionnés par l'ampleur et la précision de sa mémoire. Une mémoire précieuse, car Michel Bard est resté toute sa vie à Saint-Marcel, toujours intéressé par l'évolution du village et de ses habitants.

Ci-dessous la carte de Saint-Marcel localisant les commerces et les artisans dans les années 50 (fond de carte d'aujourd'hui).


 PR et DP

- article modifié le 18/10/23 (âge) 

Nous avons rencontré Michel Bard... Nous avons rencontré Michel Bard... Reviewed by Alain PANAYE on 15.10.23 Rating: 5

3 commentaires:

Jules Butte a dit…

Super récit . Une page bien fournie de l'histoire de la commune. Les enfants des écoles ( et leurs parents ) pourraient la découvrir utilement. Merci M. Bard!

Gégène a dit…


Le gazogène ! Ce machin que les enfants des écoles, les moins de 20 ans et même plus, ne peuvent pas connaître ?
Que me dit le dictionnaire “Larousse Classique illustré” de 1920 qui sommeille au grenier ? “appareil qui sert à fabriquer de l'eau de Seltz artificielle” ! NON, c'est pas ça... un moteur à eau (même chargée de CO2 pour faire des bulles), ça ne fera pas avancer le schmilblick. Euh... Le tracteur !

Intéressons-nous plutôt à la production de gaz combustible, d'abord utilisé dans l'industrie dès le milieu du XIXe siècle (à partir de charbon), puis adapté à l'alimentation de moteurs sur de grosses machines, puis en version mobile.

Le gaz était produit dans le “gazo” par la combustion incomplète de bois ou de charbon de bois, composé principalement de monoxyde de carbone (CO, très toxique) et plus ou moins d'hydrogène suivant le procédé, gaz tous deux combustibles... et surtout d'azote de l'air, inerte, qui ne faisait que diminuer le rendement du moteur par rapport au pétrole. Ce “gaz pauvre” a ainsi été utilisé à défaut d'essence en temps de pénurie. En ce temps-là, faute de grives on mangeait des merles (ou pire), mais c'était tout de même de la haute technologie, il y a un siècle !
C'était un peu l'ancêtre du GPL, en version années (19)30 jusqu'à l'après-guerre, mais utilisant déjà des produits locaux en circuit court, en substitut des hydrocarbures. A méditer...

Gégène

MG a dit…

Une erreur sur l'âge de Michel qui n'a que 89 ans. Il a surtout vécu à Thodure non loin de sa maison qu'il a quittée pour l'epadh.Je vis depuis 50 ans à côté de lui. Il faut absolument le rencontrer car c'est une mémoire de l'ensemble des évènements de st Marcel. Il doit avoir des récits et surtout peut être des documents importants sur l'origine de certains quartiers. C'est quelqu'un qui a traversé des époques et la modernité lui faisait peur. Bon vent à votre entretien.

Fourni par Blogger.